Changement et progrès au fil des décennies

Les droits que nous tenons pour acquis sont le résultat de longues années de luttes collectives ayant eu pour but d’améliorer notre sort. Ce ne fut pas facile; certaines travailleuses et certains travailleurs ont dû faire d’incroyables sacrifices pour que nous puissions bénéficier de leur militantisme. Le présent texte ne dresse pas l’historique complet de notre section locale; il met simplement en relief les principaux gains que nous avons faits au fil des ans et ce que nous avons dû faire pour les obtenir.

  

PREMIÈRE ACCREDITATION

L’histoire de notre pays n’est pas entièrement rose et, parmi ses chapitres les plus sombres, on trouve celui sur les agissements d’un gouvernement qui réprimait le droit d’association des travailleurs. Pendant plusieurs générations, le simple fait de prononcer les mots syndicat ou grève pouvait vous faire congédier, mettre sur une liste noire, déporter, incarcérer ou même agresser.

Cette persécution perdura jusqu’en 1944, lorsque, devant les critiques croissantes de ses alliés et les coûts élevés de cette répression, le gouvernement adopta la Loi sur les relations ouvrières en temps de guerre, où il reconnut le statut juridique des syndicats et le droit des travailleurs à la négociation collective. Soudainement, dans tous les secteurs d’activité, y compris dans l’aviation civile, les travailleuses et travailleurs purent se syndiquer comme ils le souhaitaient.

En 1946, 96 des 98 agents de bord (dont 41 étaient des femmes) admissibles chez Trans-Canada Airlines (TCA, qui deviendra Air Canada) signèrent une carte d’adhésion à la Canadian Airline Passenger Agent Association (CALPAA). Malgré les vives protestations de la direction, l’accréditation fut approuvée par le Conseil des relations ouvrières en temps de guerre. La CALPAA négocia sa première convention collective avec TCA le 8 novembre 1946, ouvrant ainsi la voie aux membres actuels de notre section locale.

Malheureusement, ce premier contrat de travail avalisait les pratiques discriminatoires de TCA, qui offrait à ses travailleuses un salaire inférieur de 20 % à celui des ses travailleurs pour les mêmes tâches.

  

LA LUTTE POUR L’ÉQUITÉ

L’équité salariale entre hommes et femmes

La lutte pour l’accréditation étant terminée, les nouveaux syndiqués et nouvelles syndiquées entreprirent de mettre fin à la rémunération inférieure pour les femmes, une mesure à laquelle l’employeur tenait mordicus. Ils réussirent en 1947.

Bien qu’il s’agisse d’une victoire historique, dans les faits, au cours des décennies suivantes, il n’y a pas eu d’équité salariale entre syndiqués et syndiquées, en raison de plusieurs difficultés, comme les inégalités salariales entre les classes d’emploi (agentes de réservation, surtout des femmes, contre travailleurs dans les aéroports, surtout des hommes) et l’impossibilité pour les travailleuses appartenant aux classes moins bien rémunérées d’accéder aux classes mieux rémunérées.

Les syndicats qui nous précédèrent luttèrent constamment contre ce type de discrimination institutionnelle. C’est pourquoi, aujourd’hui, la plupart de nos conventions collectives prévoient la possibilité de passer d’une fonction à une autre sans pénalité. Hélas, il reste du travail à faire à ce chapitre, puisqu’il existe encore des clivages entre classes et fonctions.
  

État civil

Lorsqu’elle se mariait, la travailleuse du transport aérien était réduite au statut d’employée occasionnelle. Elle devait demander le renouvellement de son statut d’employée tous les trois mois. La convention collective de 1958 mit un terme à cette pratique discriminatoire.

Quelques décennies plus tard, deux des sections locales qui nous ont précédés, la 1990 et la 2213, collaborèrent pour appuyer la cause d’un membre qui s’adressa à la Cour Suprême pour demander le droit aux prestations aux conjoints pour les conjoints de même sexe. Ce membre perdit sa cause, mais celle-ci eut des suites qui finirent par stopper, dans notre secteur, plusieurs prestations et pratiques discriminatoires fondées sur l’état civil. Cette cause devint une des assises de la légalisation du mariage gai.

Les prestations au « partenaire désigné » dont bénéficient nombre de travailleuses et travailleurs célibataires aujourd’hui (quelle que soit leur orientation sexuelle) découlent directement du militantisme de notre section locale pour la cause des couples homosexuels.
  

Statut d’emploi : plein temps et temps partiel

Une autre longue lutte fut celle de l’équité salariale et de l’équité de traitement pour tous les travailleurs, quel que soit leur statut d’emploi. Dans les années 1980, nos membres chez Air Canada et Pacific Western Airlines firent des grèves qui menèrent à des conventions collectives révolutionnaires enchâssant le droit des employés et employées à temps partiel à la parité. Malheureusement, de nos jours, la sous-traitance dans notre secteur fait réapparaître des inégalités entre les travailleurs.
  

Congé de maternité

Anciennement, dans l’aviation civile, l’employeur congédiait les travailleuses enceintes. En 1965, notre syndicat réussit enfin à obtenir, pour ces travailleuses, la possibilité de demander un « congé sans solde ». Or, pour revenir au travail, celles-ci devaient attendre qu’un poste se libère, ce qui les forçait, essentiellement, à repostuler leur emploi, sans droits acquis. Évidemment, il nous est difficile, aujourd’hui, d’y voir là une victoire, mais ce petit pas illustrait la progression de cette idée au sein de notre mouvement.

L’employeur refusa toute autre concession. Cette manière odieuse de traiter les travailleuses enceintes et les nouvelles mères perdura jusqu’en 1981, l’année où une grève des travailleuses et des travailleurs des postes (représentés par le STTP) força enfin le gouvernement canadien à faire du congé de maternité une norme du travail pour tous et toutes. Les syndicats qui nous ont précédés appuyaient ouvertement cette grève historique. Les membres du STTP durent affronter d’incroyables persécutions pendant leurs 42 jours de grève – plusieurs furent arrêtés, l’opposition de droite et ses médias antisyndicaux se déchaînèrent – mais leur sacrifice est l’un des nombreux exemples où la solidarité ouvrière a permis d’arracher durement un gain qu’on tient aujourd’hui pour acquis.
  

Droits de la personne

La section locale 2002 fut au cœur de luttes très importantes au fil de son histoire. Elle a poussé la société vers plus de tolérance et d’équité. D’ailleurs, dans ce dossier, elle montra l’exemple en 2001 en créant le poste de coordonnateur/coordonnatrice en droits de la personne.

  

RELATIONS GOUVERNEMENTALES

Bien que le gouvernement se fût d’abord opposé aux droits collectifs des travailleuses et travailleurs, il joua un rôle majoritairement positif dans les débuts de notre histoire et la formation de notre secteur d’activité. Par exemple, les politiques sur la propriété de TCA/Air Canada et la réglementation d’une industrie aérienne basée au Canada stabilisèrent l’environnement qui permit ensuite l’essor de plusieurs transporteurs aériens qui connurent du succès.

Notre section locale fut à l’avant-scène de cette croissance; nous représentions au moins une unité de négociation chez presque tous les transporteurs canadiens. Nos premières unités, les plus grosses aussi, soit Lignes aériennes Canadien Pacifique et TCA/Air Canada, se déployèrent aux quatre coins du pays et décrochèrent des gains qui se généralisèrent à toute l’industrie.

Ce ne fut pas toujours facile, et le gouvernement ne respecta pas toujours nos droits, comme le rappelle l’imposition, au milieu des années 1970, d’un contrôle des salaires et des prix qui fit reculer des gains dûment négociés. De même, le gouvernement refusa de faire respecter les droits de la convention collective la plus ancienne chez les transporteurs nouvellement accrédités, comme Norcanair. Cela dit, grâce à la force de notre représentation dans le secteur, nous réussîmes à négocier pour nos membres des contrats et des conditions de travail fort respectables.
  

Dérèglementation

Du jour au lendemain, un secteur stable offrant de bons emplois est tombé dans l’anarchie, à la suite de deux décisions du gouvernement corporatiste de Brian Mulroney : celle de privatiser Air Canada en 1984, puis celle de dérèglementer l’industrie aérienne canadienne en 1987.

Tous les transporteurs en activité au moment de la dérèglementation ont soit cessé leurs activités, fusionner avec une autre entreprise ou fait l’objet d’une restructuration après faillite. Aucune autre industrie canadienne n’a connu un tel taux d’échec : 100 %.
  

Ciel ouvert

Les attaques des gouvernements contre les travailleuses et travailleurs de l’aviation civile se poursuivirent après la signature d’ententes « ciel ouvert ». La privatisation des aéroports canadiens élimina de nombreux avantages sociaux, comparativement à ceux dont bénéficiaient les employés du ministère des Transports, dont un régime de retraite à prestations définies. Les banquiers de Wall Street et les hauts dirigeants d’Air Canada empochèrent plus de 4,5 milliards de dollars grâce à la création des sociétés indépendantes Jazz, Aéroplan et AVEOS.

D’abord politique, cet ordre du jour antitravailleur se mua en guerre ouverte. En 2011, le gouvernement Harper introduisit une loi spéciale contre le droit de grève de notre syndicat. Avant son adoption et le dépôt d’accusations au criminel contre celui-ci, les TCA n’eurent d’autre choix que de conclure une entente qui mit fin à trois jours de grève.

  

RELATIONS DE TRAVAIL

Avant la dérèglementation, nous étions en présence d’un équilibre instable où les conflits limitaient souvent le rythme des progrès de nos membres.

La dérèglementation, la privatisation d’Air Canada et la corporatisation de nos aéroports ont détruit définitivement cet équilibre. Aujourd’hui, nos membres doivent composer avec une interminable série de crises, de restructurations, de fusions et de sous-traitance de nos tâches, sans oublier la liquidation pure et simple de certains transporteurs, comme Canada 3000 en 2001.

Difficile de faire des progrès quand il ne se passe pas une journée sans qu’une de nos unités vive une crise.

En vingt-cinq ans de dérèglementation, on a vu un boum des préposés à la manutention au sol à forfait. Ces membres vivent une situation extrême et leur obtenir des gains constituera la grande bataille de notre ère. Notre section locale répond avec entrain à ces situations en organisant de nouvelles unités syndicales pour maintenir sa densité.

  

ADMINISTRATION SYNDICALE

Le besoin d’une organisation plus formelle se fit sentir peu après la formation de la Canadian Airline Passenger Agent Association (CALPAA). On tâta alors de deux approches : la majorité des travailleurs chez TCA/Air Canada continua de bâtir un syndicat indépendant, ce qui déboucha éventuellement sur la création de la CALEA, tandis que la majorité des travailleurs de CP rejoignit un syndicat américain, la Fraternité des commis de chemins de fer et des lignes aériennes (FCCFA).

Ces deux groupes réalisèrent d’importants gains, mais les défis des années 80 mirent leurs limites à mal. L’évolution rapide du secteur aérien les força à s’unir en plus grand nombre.

Deux grèves chez Air Canada et Pacific Western mirent la CALEA dans une situation financière difficile. Devant l’agressivité croissante des employeurs, il devenait nécessaire de former un syndicat plus gros, aux ressources plus importantes. Le 19 août 1985, la CALEA fusionna avec les TUA/TCA pour devenir la section locale 2213.

La déréglementation et les changements qu’elle déclencha entraînèrent une série de scrutins de représentation qui opposèrent la FCCFA et la section locale 2213 des TCA, jusqu’au printemps 1990, moment où la FCCFA devint la section locale 1990 des TCA.

Cette dualité se prolongea jusqu’à la fusion entre Air Canada et Lignes aériennes Canadien International (LACI). Celle-ci entraînant une autre vague de problèmes de représentation, les sections locales 1990, 2213 et 4236 (représentant les ouvriers d’Air Nova Maintenance à Halifax, en Nouvelle-Écosse) des TCA décidèrent de se regrouper en 2002 pour former la section locale 2002.

  

L’INCROYABLE POUVOIR DES AÉRONEFS

Les 10 000 membres et tous les retraités de la section locale 2002 sont tous reliés par l’incroyable pouvoir des aéronefs. Nous les réparons et les remorquons; nous les remplissons de carburant; nous les chargeons de fret, de bagages, de passagers et de blessés graves; nous vendons les billets et les programmes de récompense des transporteurs; nous préparons les repas; nous préparons les horaires des équipages; nous prenons aussi soin de tous les détails du fonctionnement complexe d’un aéroport (nettoyage des pistes, sécurité, entretien des transporteurs de bagages à courroie); nous aidons même les passagers à trouver une place de stationnement ou une chambre où dormir une fois arrivés à destination. L’aéronef nous unit tous; c’est notre point commun.

Nous œuvrons dans l’un de secteurs d’activité les plus difficiles, instables et économiquement ardus qui soit. Aucun de nos membres, quel que soit son employeur, n’a été épargné par les attaques de nos employeurs, de l’économie et d’un gouvernement qui devrait protéger nos droits au lieu de nous en priver. Or, nous sommes plus forts ensemble, au sein Unifor. Et nous continuerons à utiliser cette force pour vaincre les obstacles qui nous attendent.

  

LA SUITE DES CHOSES

L’histoire ne reste jamais tranquille; les batailles d’aujourd’hui déterminent notre avenir collectif.

Bien que nous œuvrions dans un secteur constamment en crise, nous nous sommes toujours trouvés du bon côté de l’histoire, celui où on se bat pour améliorer le sort des travailleuses, des travailleurs et de leurs communautés.

Ensemble, nous avons posé des gestes historiques, particulièrement au chapitre des droits de la personne. Le défi de notre section locale consiste maintenant à continuer de bâtir ce merveilleux héritage que nous ont laissé nos prédécesseurs. Les travailleuses et les travailleurs de demain comptent sur nous.

  

HISTOIRE D’UNIFOR

Unifor a été officiellement formé le 31 août 2013 lors d’un congrès de fondation à Toronto, en Ontario. Cette journée a souligné l’union du syndicat des Travailleurs canadiens de l’automobile (TCA) et du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP), deux des plus grands syndicats au Canada ayant une grande influence.

La création d’Unifor représente un signe d’espoir pour le mouvement syndical canadien, et de manière plus générale pour l’ensemble des travailleuses et travailleurs.

  

  

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